POURQUOI PAS NOUS ?
Le sujet m’obsède. Et je ne comprends toujours pas pourquoi ce n’est pas une priorité nationale. Hier, même la Grande-Bretagne, malgré le Brexit a affiché son taux de chômage le plus bas depuis 1974, 3.6%. États-Unis 3.6%, Japon 2.5%, Allemagne 3.2%. Et nous…8.8%? Pourquoi un tel fossé? J’ai posé la question au « club des économistes » de C’est Votre Argent.
CHRISTOPHER DEMBIK, SAXOBANK:
« La France a fait le choix d’un système reposant sur une forte dichotomie du marché de l’emploi – chômage de masse pour les non-diplômés et plein emploi pour les BAC+2 – doté d’un généreux système d’allocations chômage. En même temps, la flexibilité professionnelle et la flexibilité géographique restent faibles et la peur du déclassement fait que les salariés sont souvent réticents à changer d’emploi.
L’autre point sur lequel la France a encore du retard, c’est la formation professionnelle qui a été réformée dans le bon sens ces dernières années mais qui est souvent mal et peu utilisée à la fois par les salariés et les employeurs. Le système universitaire est aussi à blâmer : on intègre massivement des jeunes dans des cursus qui sont voués à conduire vers des phases d’alternance entre CDD et chômage.
Enfin, il faut aussi ajouter un facteur démographique : notre économie ne crée pas assez d’emplois pour les nouveaux arrivants sur le marché du travail ».
BRUNO COLMANT, DEGROOF PETERCAM:
« Cette différence des taux de chômage est liée au manque de flexibilité du marché français de l’emploi, elle-même liée à la mauvaise qualité du dialogue social et à l’entretien d’une vision centralisatrice de l’État-providence. Les faibles taux d’emploi de l’Allemagne et du Japon sont la preuve qu’on peut combiner un haut taux de participation au marché industriel et une forte robotisation/automation de l’industrie ».
PATRICE GAUTRY, UNION BANCAIRE PRIVÉE:
« La formation (professionnelle et continue) et une mauvaise adéquation entre les postes créés et les candidats en recherche d’emploi sont aussi des facteurs mentionnés comme des freins à l’emploi, amenant sur une baisse moins rapide du taux de chômage dans certains pays comme la France »
VALÉRIE PLAGNOL, LE CERCLE DES ÉPARGNANTS:
« – La prise en compte des chômeurs au Japon, et les indemnités plus faibles font aussi sortir pas mal de monde des statistiques (il semble bien qu’au Japon aussi les inégalités se soient creusées et que la société soit moins homogène, sans parler des employés placardisés dans des filiales etc). Certains secteurs dans ce pays manquent de bras, on le sait aussi.
– De même aux US on peut s’interroger sur la réalité de chiffre de chômage aussi bas du fait du taux de participation qui ne remonte guère et de la persistance d’emplois mi-temps (certaines régions étant sinistrées avec les pandémies de drogue etc.)
– L’Allemagne semble bien constituer le modèle formation/intégration et réalité du plein-emploi dans un pays à perte de population ».
EMMANUEL LECHYPE, BFM BUSINESS:
« Les explications :
– La démographie, plus dynamique (donc il faut créer plus d’emplois qu’ailleurs pour faire baisser le taux de chômage).
– La préférence pour le chômage alors que d’autres ont fait le choix des petits boulots.
– L’effet de ciseau coût du travail trop élevé/qualification des chômeurs trop faible.
– La complexité et le coût du licenciement qui restent dissuasifs pour les patrons.
– La trop faible incitation financière à reprendre un travail.
– Le trop faible taux d’emploi des seniors.
– Les effets de seuil à 10, 20 et 50 salariés qui vont en partie persister malgré la loi Pacte.
– Plus généralement, le manque d’ETI # et la difficulté des PME à grandir. Une # entreprise de taille intermédiaire est une entreprise qui a entre 250 et 4999 salariés, et soit un chiffre d’affaires n’excédant pas 1,5 Milliard d’€.
– Le manque de concurrence (trop de secteurs protégés).
(*) La Newsletter en question est le Morning Zapping de Marc Fiorentino, disponible également en vidéo. Elle associe des analyses techniques, financières telles que celle-ci, mais aussi le « MBA 30 » d’Olivier Sibony, dont nous publions de larges extraits, ainsi que des articles complets sur la stratégie.
Mon commentaire : on ne peut que partager « l’obsession de M. Fiorentino » : de grande priorité nationale, l’emploi ne porte guère les stigmates ! Bizarrement, l’argument de la perte d’emplois due à l’automation résiste mieux que celui des migrants « qui viendraient manger le pain des français » et aggraver le situation sur le front du chômage. A coté de nous, le million de migrants vers l’Allemagne pose moins de questions économiques d’insertion et d’emploi, que de polémiques malthusiennes. Et il s’agit d’un million, soit 30 fois plus ! A méditer…
L’Ours.